Deux journalistes français privés de visa à la veille d’un voyage officiel de Valls en Algérie

L’Algérie, qui dénonce une « campagne hostile » des médias français après la publication des « Panama Papers », a pris des mesures de rétorsion en refusant des visas aux journalistes du Monde et du Petit Journal de Canal+ qui devaient couvrir une visite de Manuel Valls à Alger ce week-end.

Protestant contre "une entrave à la liberté de la presse", le directeur de la publication du Monde Jérôme Fenoglio a "regretté" vendredi cette décision liée, selon lui "aux informations publiées sur l’Algérie" dans le cadre du traitement des "Panama Papers".

Le Monde a participé avec le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) à l’étude de fichiers débusqués chez le cabinet d’avocats de Panama Mossack Fonseca. L’enquête a mis à jour un vaste scandale de fraude et d’exil fiscal transitant par des sociétés panaméennes.

Parmi les nombreuses personnalités mises en cause figure notamment l’influent ministre de l’Industrie algérien Abdesselam Bouchouareb. Mais le quotidien Le Monde a publié le 5 avril en une une photo du président Abdelaziz Bouteflika parmi les dirigeants impliqués, avant de se raviser en précisant que le nom du chef de l’Etat algérien "n’apparaît pas dans les Panama Papers".

Dans la foulée, l’ambassadeur de France à Alger a été convoqué mercredi au ministère algérien des Affaires étrangères qui lui a fait part de son mécontentement face à ce qu’il considère comme une "campagne hostile" à l’Algérie.

Concernant le "Petit Journal" de Canal+, l’émission satirique semble être sanctionnée pour plusieurs sujets ces derniers mois ironisant sur l’état de santé du président algérien. "On peut imaginer que le ton de nos reportages leur déplaît mais on n’a eu aucune explication", a déclaré à l’AFP une source proche de la chaîne française.

L’Association de la presse ministérielle française s’est "indignée" dans un communiqué de ce refus de visas et "demandé instamment aux autorités algériennes de réviser leur jugement contraire aux principes d’une presse libre et indépendante".

Informé dès mercredi des intentions d’Alger, le Premier ministre français a téléphoné à son homologue algérien Abdelmalek Sellal pour tenter d’obtenir la levée de la sanction, jusqu’à présent sans succès, a indiqué son entourage. Même s’il s’agit d’une "décision de souveraineté" d’Alger, M. Valls a souligné que le refus des visas pourrait avoir des "effets contre-productifs" sur le rendez-vous annuel des exécutifs des deux pays.

Cette poussée de fièvre intervient alors que la relation bilatérale, souvent tumultueuse, traverse une phase d’apaisement depuis l’arrivée du président François Hollande au pouvoir en 2012. Depuis, chaque année a lieu un "comité interministériel de haut niveau" entre les deux pays. Pour l’édition 2016, Manuel Valls est accompagné d’une dizaine de ministres. A cette occasion, la France espère voir "finalisés" plusieurs accords économiques importants, en premier lieu l’implantation d’une usine PSA à Oran, la deuxième ville du pays, qui suivrait un mouvement similaire de son compatriote Renault. L’extension d’une usine de tramways du français Alstom, ouverte l’an dernier, est également en cours de négociation, indique-t-on à Paris. Un accord pour l’ouverture d’une usine Air Liquide est également bien avancé, selon ces mêmes sources.

Outre plusieurs rencontres entre les différents ministres -dont MM. Valls et Sellal- la visite devrait donner lieu à une rencontre entre le Premier ministre français et M. Bouteflika. Le ministre de l’Economie Emmanuel Macron doit lui rencontrer Abdeslam Bouchouareb. Selon les révélations du Monde, ce dernier a détenu une société établie au Panama, Royal Arrival Corp, créée en avril 2015 à travers les services d’une société de domiciliation d’entreprises offshore. Elle avait pour mission "la gestion d’un portefeuille de valeurs immobilières d’un montant de 700.000 euros, détenu actuellement à titre personnel" par le ministre, selon le quotidien. Une société de gestion luxembourgeoise a affirmé que cette structure n’avait jamais été "active".

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