Deuil à Gaza :  » Comment peut-on tirer sur des enfants qui courent ? « 

Il est 15 h 20 à Gaza, mercredi 16 juillet, quand une terrible déflagration ébranle le front de mer. Quelques minutes plus tard, une seconde frappe retentit. Touchée par ce qui semble être un obus tiré d’un navire israélien, une bicoque de pêcheurs, construite sur la digue du port de pêche, est réduite en un tas de parpaings éclatés et de tôles noircies. A côté des décombres, les corps en partie calcinés de quatre garçons de la même famille, Mohammad, Ahed, Zakariya et Ismail. Ils avaient entre 9 et 11 ans.

Les enfants Bakr jouaient sur la plage depuis quelques heures. Certains avaient apporté un ballon, d’autres pêchaient ou grattaient le sable à la recherche de morceaux de métal à revendre. Après la première frappe millimétrée sur la cabane, il semble que les enfants, blessés, aient été pris sciemment pour cible alors qu’ils remontaient la plage pour se mettre à l’abri.

A quelques mètres de la cahute, Mohammad Abou Watfah a assisté au carnage : " Les enfants étaient paniqués, ils se sont mis à courir vers la plage. Un deuxième obus les a suivis. Il est tombé à quelques mètres et j’ai perdu connaissance ", raconte péniblement le commerçant, touché à l’estomac par des éclats. Le corps ensanglanté, hors d’haleine, des enfants blessés parviennent à la terrasse d’un établissement du bord de mer, alors que résonne l’explosion d’un troisième obus.

Dans le quartier des pêcheurs, non loin du front de mer, les femmes se regroupent autour des mères endeuillées des quatre enfants. Parmi elles, Saloua, la mère de Mohammad, son fils unique, suffoque. " Elle a huit filles. Elle avait attendu ce fils pendant des années ", souffle une voisine.

Enveloppés, chacun, dans le drapeau jaune du Fatah, les quatre petits corps sont portés jusqu’au cimetière. En marge du cortège, Sharifa, la mère de Zakariya, 10 ans, ne parvient pas à se redresser, pliée en deux par la douleur. Un homme fend la foule et s’approche d’elle. Alors qu’il la relève péniblement, il lui annonce le décès à l’hôpital d’un autre de ses fils, Montassar. La femme s’écroule, à moitié inconsciente. L’enfant est en réalité toujours en vie, mais dans un état critique. Après quelques jours d’accalmie relative, les urgences de l’hôpital central de Gaza sont à nouveau débordées par l’arrivée des blessés, ce qui provoque les plus dramatiques confusions.

Dans le service de chirurgie, Tagred, une autre mère du clan Bakr, veille sur son fils, Ahmad, 13 ans, touché à la poitrine par des éclats d’obus : " Ce ne sont que des enfants. Ils ne faisaient rien de mal contre les Israéliens, pleure d’incompréhension la mère palestinienne. Mon fils jouait simplement avec ses cousins et maintenant ils sont tous morts. " " Comment peut-on tirer sur des enfants qui courent ? "

L’armée israélienne a annoncé, dans la soirée, qu’elle enquêtait " consciencieusement " pour déterminer les circonstances exactes de la mort des quatre enfants. Expliquant que les frappes visaient, en principe, des membres du Hamas, Tsahal n’a pas exclu la possibilité d’une " erreur " dans cette attaque, dont l’étendue sera de toute évidence difficile à justifier.

Avant l’entrée en vigueur d’une trêve humanitaire, jeudi entre 9 heures et 15 heures, les bombardements ont été particulièrement meurtriers mercredi, faisant au moins 25 morts. Devant la morgue de l’hôpital al-Shifa, un père titube après avoir reconnu le corps son fils. Moushira, une jeune Palestinienne, conclut avec une ironie glaçante : " C’était la fête des enfants à Gaza. "

Hélène Prudhon

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