Des MRE et de la méthode Coué

La méthode Coué, de son instigateur le psychologue Émile Coué de la Châtaigneraie (1857-1926), est une méthode qui fait de la suggestion et de l’autohypnose(1) son assise théorique. Elle consiste, selon les cliniciens, à placer une personne dans une situation telle «qu’elle se voit en train de faire ce qui lui est demandé». Visiblement cette méthode est devenue, de nos jours, la trame d’un discours ministériel suggestif et dissuasif destiné aux MRE.

Que suggère-t-on aujourd’hui aux MRE?

De s‘investir, d’investir, de se construire, de s‘organiser, d’entreprendre, de garder l’espoir, de ne pas perdre l’espérance, de devenir une «force diasporique» influente et de transférer, encore et encore.
Alors que le phénomène de «spoliation des biens MRE» se dévoile chaque jour sous des aspects affreux et voit son cortège grossir de drames humains, alors que la crise économique et financière, qui s’est abattue sur l’Europe, fragilise et marginalise le MRE, en premier chef, le renvoie dans son village démuni et humilié ou l’expédie (d’Espagne et d’Italie) vers des ailleurs incertains, on demande aux MRE de se serrer la ceinture, de s‘armer de patience et de courage et surtout de ne pas oublier d’investir et de transférer. Comble de l’aberration.

On demande aux MRE d’être des acteurs déterminants dans «la diplomatie culturelle ou parallèle», alors que leur pays les prive de moyens de formation, d’enseignement et d’installations culturelles à la hauteur de cette ambition. On leur propose un «Centre culturel» à plus de 50 Km de la capitale culturelle française, où prolifèrent des espaces culturels dynamiques rivalisant en initiatives et on ose leur demander de veiller au renforcement des liens affectifs et historiques avec leur pays d’origine.

Alors que la Constitution reconnait aux MRE des droits civiques et une représentation équitable dans toutes les instances auxquelles elle fait référence, on demande aux MRE d’être patients et on leur suggère qu’il n’y a pas le feu au lac, qu’à Rabat, on s‘occupe sérieusement de leurs affaires, que la préparation des lois organiques et la mise en branle des principes du discours du 20 août, sont en chemin.

Alors, que le gouvernement issu des élections de novembre 2011 loue la bonne gouvernance, déclare placer la défense de l’identité et de la culture nationale au sommet de ses préoccupations, les jeunes MRE ne trouvent pas où apprendre leur langue et leur culture marocaine, au désespoir de leurs parents qui se consolent d’un enseignement «parallèle» religieux et associatif peu adapté aux attentes des jeunes, peu conforme aux aspirations de la société d’accueil et qui échappe à tout contrôle (pédagogique, didactique …).

C’est certain. Ce discours institutionnel suggestif ne résistera pas à l’épreuve du temps et de la vérité. Mais, il risque, malheureusement, de produire un effet secondaire peu recommandable : «l’autosuggestion».
En effet. La méthode Coué qui joue pleinement la carte de la suggestion, s‘est imposée également comme «une forme d’autosuggestion». A force de matraquage et d’insistance, une personne «s’auto-persuade qu’elle est capable d’apprendre, de comprendre et de faire».

A force de suggestion et de sollicitations, les MRE vont finir par croire qu’ils sont devenus, citoyens (puisque la Constitution l’avait annoncé), qu’ils voteront à l’avenir pour choisir leur représentants au Parlement, qu’ils disposeront d’une représentation institutionnelle effective, qu’ils vont entreprendre, investir et «réussir», que leurs enfants trouveront suffisamment d’enseignants et d’écoles pour apprendre leur langue et leur culture d’origine, que ceux dont les biens ont été spoliés verront la justice de leur pays prendre au sérieux leurs dossiers et mettre fin à leurs souffrances.

Suggestion et autosuggestion, qui sont les deux mamelles du discours gouvernemental actuel, peuvent générer «un mieux-être psychologique ou physique» chez certains MRE. Mais, au lieu, comme le prévoit la méthode Coué, «d’entraîner l’adhésion du sujet aux idées positives qu’il s’impose», il va finir par creuser un peu plus, et plus profondément encore, le fossé de la méfiance qui sépare les MRE de certaines instances nationales. Pire encore, il risque d’hypothéquer l’avenir (culturel et cultuel) des jeunes générations MRE, aujourd’hui traversées d’idées et de pensées (artistiques, politiques et philosophiques) envahissantes et déterminantes. Ce que ces générations sont en droit d’attendre, en vérité, ce n’est pas un discours suggestif, mais des politiques publiques ambitieuses et prospectives qui préparent, maintenant, leur avenir car, «L’avenir ne se prévoit pas, il se prépare» (cf. Michel Godet).

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