Défendre l’euro (vaut la peine)

La crise grecque a fait hier hélas ses premiers morts à Athènes mais il n’est pas certain qu’elle ne fasse pas d’autres victimes. Car ce qui se joue depuis plusieurs semaines n’est rien moins qu’une bataille féroce entre les marchés financiers et les responsables politiques du Vieux Continent.

Et pour l’instant, désigner le camp des vainqueurs n’offre aucune difficulté : ce sont les premiers, masse à la fois gigantesque et indistincte incluant aussi bien les spéculateurs que les investisseurs institutionnels ou privés. Ils ont obtenu un plan de secours à la Grèce et s’inquiètent désormais de la crédibilité du Portugal et de l’Espagne en matière de finances publiques. Ils ont fait plonger les Bourses et grignoté le niveau de l’euro. Face à ces marchés toujours insatisfaits, les Etats donnent l’impression de toujours arriver avec un train de retard. Disons-le, le hiatus entre le temps politique et celui de la finance n’a jamais été aussi béant.

Il serait bien sûr ridicule de nier l’évidence : les marchés se posent de bonnes questions. Si la crise de 2008-2009 n’est pas la cause majeure de la débâcle actuelle, elle en est le révélateur.

La Grèce, entrée avec une compétitivité faible dans la zone euro, n’a rien fait pour l’améliorer. L’Espagne a misé son décollage sur un seul secteur d’activité – la construction -et un seul levier – le crédit -, ce qui était une folie. Où va-t-elle désormais trouver sa croissance pour financer et réduire ses dettes dans un climat politique peu consensuel ?

Pour poursuivre ce tour d’Europe, comment croire la France, qui promet depuis toujours de réduire ses déficits sans jamais le faire ? Les perspectives publiées hier par la Commission de Bruxelles confirment malheureusement la mollesse de l’économie du Vieux Continent (+ 0,9 % de croissance cette année) qui font du rétablissement des comptes un exercice de haute voltige.

Impossible d’oublier tout cela. Il ne faudrait pourtant pas perdre de vue trois points essentiels. Le premier est que beaucoup de ceux qui s’étaient opposés à la création de l’euro, ici et ailleurs, voient dans cette crise une occasion de revanche et l’expriment bruyamment, quitte à accuser le trait. Ne soyons pas naïfs ! Le deuxième est que, comme le souligne l’économiste Patrick Artus, les investisseurs peuvent arbitrer, en zone euro, un pays contre un autre sans risque de change ou de taux d’intérêt, ce qui facilite les attaques spéculatives alors que la situation financière de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis n’est pas plus florissante.

Le dernier élément est tout simplement que défendre l’euro vaut la peine. Si cette construction monétaire est bancale, elle n’est pas en elle-même la cause des débordements actuels. A l’inverse, elle a évité des guerres monétaires sanglantes et constitue une réalisation politique majeure dans l’histoire. La solution n’est pas moins d’euro mais plus d’euro.

LES ECHOS

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Ce site Web utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que vous êtes d'accord avec cela, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. J'accepte Lire la suite