Daesh prend racine en Algérie

L’image de la décapitation de l’otage français Hervé Gourdel était tellement horrible et l’indignation française et internationale si puissante qu’un fait sécuritaire majeur passe presque inaperçu ou du moins ne requiert pas l’attention nécessaire. Cette organisation terroriste appelée Daesh que la communauté internationale combat en Irak et en Syrie s’est installée en Algérie, une des portes africaines de l’Europe et une des pièces maîtresses de la sécurité en Méditerranée.

Cette proximité géographique doit susciter les plus grandes inquiétudes. Et quand on rajoute à ce fait majeur la relation particulière entre la France et l’Algérie, composée d’un cocktail explosif de répulsion et d’attirance, travaillée par un lourd passif historique non encore politiquement soldé, l’angoisse sécuritaire a toutes les raisons de virer au rouge vif.

Il est vrai que la plupart des hommes et femmes politiques français qui ont pris la parole pour commenter la décapitation d’Hervé Gourdel sur le sol algérien, ont pris par la même occasion la précaution oratoire et politique de saluer l’engagement des services de sécurité algériens. Et il y avait dans leur insistance à leur rendre hommage et à saluer leurs actions sur le terrain comme une tendance suspecte à souligner une évidence, à enfoncer une porte largement ouverte.

Cet hommage qui, au fil des répétions, se transforme en rubrique obligatoire et contrainte de l’approche française de ce phénomène, fait pour le moment l’économie d’une interrogation publique et pertinente sur les vraies raisons qui ont poussé cette tentaculaire pieuvre terroriste qu’est devenue Daesh à ouvrir une des ses filiales internationales en Algérie. Daesh semble avoir pris racine en Algérie parce qu’elle a trouvé dans ce pays un environnement favorable, un terroir propice. Le terrorisme dans ce pays, dont la frustration politique et sociale semble être le moteur, n’est pas éradiqué. Loin de là, tapis dans l’ombre des montagnes et dans l’opacité des politiques sécuritaires régionales, il fait son apparition de manière saisonnière comme une énorme cellule dormante que le vent maléfique, hier d’Al Qaida aujourd’hui de Daesh réveille au gré des agendas.

Que Daesh s’installe avec cette facilité en Algérie à travers un groupe, "Les soldats du Califat" promis à une grande notoriété à voir le milieu ambiant dans lequel il évolue, est en soi un grand désaveu politique du bilan du président aux quatre mandats, l’invisible Abdelaziz Bouteflika. Que cela intervient à un moment crucial où le régime militaire qui gouverne l’Algérie depuis des décennies est en train de faire sa mue, est une source de grande inquiétude. D’abord pour la France physiquement impliquée dans l’éradication de Daesh en Orient. Ensuite pour les pays de la région comme le Maroc pour qui Daesh qui incarne une grande menace terroriste, s’installe dans Son anti chambre géographique.

Lorsque la stratégie d’éradiquer Daesh a été élaborée au somment de Paris, l’attention militaire était exclusivement concentrée sur les terrains Irakiens et syriens. L’idée dominante est que une fois la coalition militaire internationale parvient, à l’aide de bombardements aériens intensifs et ciblés, à casser la colonne vertébrale de ce hydre qu’est Daesh, il serait plus facile de finir le travail de terrain à coups d’opérations de polices menées par les Peshmergas kurdes et l’armée irakienne.

Or la donne algérienne change complètement cette perception et impose à la France, devenue une cible et une caisse de résonance de revoir sa stratégie. C’est exactement comme si Daesh fait son apparition au Mexique, sur le flanc sud de Barak Obama, pour menacer l’armée américaine engagée dans son éradication au Moyen Orient. L’épisode de la décapitation d’Herve Gourdel signe cette césure dans la guerre française contre le terrorisme.

Ce qui augmente l’inquiétude des Français et des pays maghrébins et leur impose de revoir leur vision de cette guerre, c’est qu’ils vivent une situation presque inédite. Même au plus fort de leur engagement militaire contre les groupes fondamentalistes au Mali et en Centrafrique, ils n’ont pas été à ce point exposés au danger de la déstabilisation. Des otages français étaient certes enlevés, mais leur sort s’inscrivait dans un processus de négociations. Les groupes terroristes de la région se livraient à la bénéfique industrie de l’otage, comme autant de trafics qui alimentent les réseaux mafieux.

Aujourd’hui, la paysage a changé. Daesh est au cœur du Maghreb et aux portes de l’Europe. Si son éradication ne se fait pas à ce niveau, ce groupe terroriste risque de développer une capacité de nuisance d’une grande dangerosité.

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