Conférence internationale de Paris sur l’Irak : un sommet de consensus et de divergences

Tous les regards se dirigent vers Paris pour suivre la tenue du sommet lundi contre l’Etat Islamique, plus connu sous le vocable diplomatique de sommet pour « la paix et la sécurité en Irak ». Le grand suspens qui règne sur l’identité des participants et l’agenda de la stratégie militaire à suivre par cette coalition en cours de formation n’est pas uniquement l’œuvre du mystère propre à ses réunions mais aussi le fruit d’une improvisation internationale et d’une grande hésitation. Une active tournée de John Kerry dans la région et une visite surprise de François Hollande en Irak n’ont pas réussi à lever le grand voile d’ambiguïté qui marque cette démarche. Pressée d’agir, la communauté internationale allume de grandes alarmes sans donner encore aujourd’hui de la cohérence à son action en Irak et en Syrie.

Par Mustapha Tossa

S’il est vrai que la détermination internationale est sans faille pour tenter d’éradiquer l’Etat Islamique, -la troisième décapitation spectaculaire du britannique David Haines ne fait que la renforcer-, de nombreuses zones d’ombres demeurent sur la méthode la plus efficace pour lutter contre l’Etat Islamique. Et s’il faut ajouter à cela les grandes hésitations des pays de la région qui ne veulent pas occuper la première ligne d’attaque, la guerre contre l’Etat islamique prend les allures d’un chemin de croix.

La stratégie que compte suivre la coalition n’est pas encore dévoilée. Mais quelques indications montrent qu’elle sera composée de deux phases principales. La première est l’intensification des bombardements aériens contre les militants de l’Etat Islamique en Irak et demain en Syrie, suivie parallèlement par des livraisons de plus en plus accrues d’armes aux Kurdes d’Irak à qui la coalition semble vouloir sous-traiter la guerre terrestre contre l’Etat Islamique. Cette approche ne parvient pas à chasser ce halo d’incertitudes qui règne sur cette grande guerre contre la terreur internationale qui s’annonce.

En effet, alors que le monde entier mobilisait ses énergies pour lutter contre l’Etat Islamique devenue l’ennemi mondial, la position de deux pays phares de la région ont de fortes chances de phagocyter ces efforts. Le premier est la Turquie. Les autorités turques ont créé la grande surprise lorsqu’elles ont spectaculairement refusé de signer le communiqué de la réunion de Djeddah en Arabie saoudite au cours duquel dix pays arabes s’étaient engagés à participer à la guerre contre l’Etat Islamique.

Cette position turque est d’autant plus surprenante qu’il existe une sorte d’intimité stratégique entre les Turcs et les Américains à travers leurs liaisons atlantiques. Ankara justifie cette position par sa crainte de voir se dégrader le sort de ses otages détenus par l’Etat Islamique. Mais cette justification paraît courte au regard des enjeux décisifs de la guerre internationale contre l’Etat islamique.

Dans la foulée de l’hésitation turque, de nombreux pays arabes de la région, même s’ils ont béni cette opération militaire d’envergure qui s’annonce, ont refusé de participer physiquement à l’effort militaire de crainte d’apparaître dans la grande photo. Un des enjeux majeurs de la conférence de Paris est une minutieuse répartition des tâches militaires entre les membres de cette coalition. Un Etat d’esprit résumé par une formule lapidaire du porte-parole du ministère des affaires étrangères français Romain Nadal :" Nous voulons une convergence des objectifs et une complémentarité des initiatives", militaire, humanitaire, financière.

Le second pays qui pèse par sa présence sur cette guerre est l’Iran. Les autorités iraniennes auraient bien aimé figurer sur l’estrade internationale de la guerre contre le terrorisme de l’Etat Islamique. Le gouvernement irakien nouvellement formé a profité de la visite éclair de François Hollande pour lui suggère d’inviter l’Iran à la table de ce sommet international de Paris. Mais le net refus des américains adressé aux iraniens laisse penser que la grande entente stratégique entre Washington et Téhéran n’a encore atteint son aboutissement.

Un pays comme la Turquie qui marche à reculons. Un autre comme l’Iran qui désire participer à fond à cette guerre et en récolter les bénéfices politique pour lui et ses alliées de la région, Syrie et Hezbollah. Cette équation résume à elle seule la grande complication politique de cette guerre. Si l’on rajoute à cela les choix militaires sur la table pour tenter d’éradiquer l’Etat Islamique qui se résument pour le moment à bombarder les djihadistes de l’Etat Islamique et à armer les kurdes, la guerre contre la terreur au Proche Orient à encore de beaux jours elle.

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