Chirac crée l’émeute au Salon de l’Agriculture

La visite éclair de Jacques Chirac, mardi au Salon parisien de l’Agriculture, a provoqué une cohue sans précédent. Reportage au coeur la mêlée.

Ça commence par un accueil de la Confrérie gourmande du cochon de Bayeux et ça finit par une boucherie. Ainsi pourrait-on résumer le parcours de trois quarts d’heure de Jacques Chirac dans les allées du Salon de l’Agriculture mardi midi. Tout semblait pourtant bien organisé. Le personnel de sécurité avait balisé le parcours, un tapis rouge avait été préparé pour les caméras de télévision à l’extérieur du bâtiment, la plupart des vaches avaient été retirées de l’allée principale –sauf une charolaise et une de race limousine, afin que l’ancien chef d’Etat puisse tâter du poil. Seulement, pour beaucoup de journalistes, cette visite de Jacques Chirac n’a rien d’anodine: à quelques jours de son procès et alors que le JDD a évoqué le mot "Alzheimer" dans ses colonnes, le président de cœur des agriculteurs a besoin de se montrer, de faire savoir qu’"il est en forme".

Une phrase reprise en leitmotiv par tous les hommes politiques présents. Ces derniers sont d’ailleurs plus nombreux qu’annoncés. A l’origine, seul Christian Jacob, patron des députés UMP, devait suivre Jacques Chirac. Le ministre de l’Agriculture, Bruno Le Maire, qui avait dit qu’il passerait, est finalement resté tout le temps avec l’ancien locataire de l’Elysée. Parmi les invités surprises, Jean-Pierre Raffarin et Jean-Louis Borloo. Mais c’est Jacques Chirac la star. Rien que lui. Anthony, 7 ans, l’attend patiemment, depuis une demi-heure, avec l’appareil photo familial. "On n’est pas venu que pour voir les vaches", lance-t-il.

Dommage collatéral
Seulement, la meute d’objectifs ne donne pas de passe-droit. A l’arrivée de Jacques Chirac, une pression subite fait reculer tout le monde. Le père d’Anthony rattrape son enfant de justesse, laisse échapper un juron à l’encontre de la presse. Le parcours débute. A petit pas, l’amas de personnes se déplace dans l’allée des vaches. Dans un espace où circulent habituellement une centaine de passants, plus de 450 personnes se poussent, entourées par plusieurs cordons de CRS, dépêchés pour l’occasion. "Il y a bien plus de monde que samedi dernier [lors de la visite de Nicolas Sarkozy, Ndlr]; c’est incomparable", assure Philippe, dont la brouette de foin de ravitaillement de ses bovins est retenue par l’expédition de l’ancien président. A chaque arrêt, les photographes tentent de voler le cliché indispensable: Chirac caresse une bête, Chirac dit "bonjour" à un enfant –miraculeusement arrivé jusqu’à lui grâce à l’aide des encadrants–, Chirac boit un verre de lait.

L’ancien chef d’Etat n’a pas vraiment le choix du parcours. Noyé sous les perches sonores, il tente d’adresser quelques saluts à la foule, de plus en plus dense autour de lui. "Monsieur Chirac passe, reculez s’il vous plaît et éloignez vos enfants. Personne ne survit ici", lance un gars de la sécurité en amont de la masse. La recommandation a pour résultat l’effet inverse: les gens s’approchent, se mêlent aux journalistes. "On a le droit d’être là quand même", lance une dame à un CRS qui tente de l’écarter. Une bousculade éclate: un homme de la sécurité envoie une claque à la tête d’un journaliste, un objectif de caméra voltige. Le cordon de CRS tente de faire reculer la masse de journalistes et de curieux réunis, lançant quelques coups à l’aveugle. Un cameraman trébuche en bord d’allée et tombe sur une poussette occupée. L’enfant n’a rien, mais le personnel de sécurité est excédé.

"Même en 2007, ce n’était pas aussi intense"
Les organisateurs accélèrent le pas. Une pause au stand des Produits laitiers puis direction la filiale viande, l’exposant qui accueille Jacques Chirac pour sa pause déjeuner en terrasse et petit comité. Lucien Dupard, un boucher de Gavray (Manche) qui vient au Salon depuis 20 ans, lui prépare de la viande charolaise. "Je me souviens qu’en 2002, il m’avait avalé cinq noisettes d’agneaux alors que François Patriat [alors ministre de l’Agriculture du gouvernement Jospin, Ndlr] l’intimait de ralentir la cadence", se souvient l’artisan, interrogé quelques minutes avant l’arrivée de l’ex-chef d’Etat. Mais cette fois, il n’est pas question d’être le centre d’une bousculade pendant plus d’une heure. La "mangeaille" se fait donc en privé, entouré d’"amis".

Sa pause déjeuner semble l’avoir contenté. "Sa balade a dû être frustrante, mais là, il est heureux avec son charolais", lance un des exposants du stand de la filiale viande. Sa visite de mardi devrait rester dans bien des mémoires. "Je n’ai jamais vu ça", s’exclament deux visiteurs venus du Cher. "Même en 2007, pour sa dernière année en tant que président, ce n’était pas aussi intense", témoigne encore Lucien Dupard. Jacques Chirac devra s’y faire. La nuée de caméras risque fort d’être présente au tribunal de Paris, dans deux semaines.

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