Centres d’appel, PSA : le patriotisme économique, une hypocrisie à bout de souffle ?

La situation de PSA et la délocalisation du centre d’appel de la Stif au Maroc sont actuellement au coeur de l’actualité. Avec le nouveau gouvernement, la France est à la croisée des chemins en terme de politique économique. Et si le patriotisme économique « à la française » n’était qu’une hypocrisie ? Explications d’Abdelmalek Alaoui.

MADE IN FRANCE. Vu du Maghreb, les débats économiques récents dans l’hexagone autour de la restauration d’un certain "patriotisme économique" à la française, sur fond de crise de l’automobile et de volonté de rapatrier les centres de relation client d’Afrique du Nord inquiètent, autant qu’ils peuvent prêter à sourire.

En effet, l’on sent que la France est à la croisée des chemins en termes de doctrine économique, et que l’argumentaire avancé notamment par le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, montre plusieurs limites.

Ceci n’empêche cependant pas le ministre de déployer cette énergie qui le caractérise tant pour défendre une vision qui ne résiste pas à un examen critique de la projection de la France dans son espace géoéconomique.

Les mauvaises inspirations de PSA

Prenons tout d’abord l’exemple de PSA. De nombreux experts s’accordent à dire que la situation difficile du constructeur tricolore est en grande partie due à son refus de s’internationaliser et de construire des alliances qui lui auraient permis, à l’instar de Renault, d’amortir le choc de la baisse de la demande.

Le positionnement fort de PSA sur un marché étriqué a encore plus pénalisé le constructeur, qui pêche en quelque sorte, par excès de "patriotisme économique". Pourtant, Peugeot aurait dû être alerté par l’option stratégique radicalement différente prise par Carlos Ghosn, PDG de l’alliance Renault-Nissan. Cette stratégie a consisté à faire de l’alliance avec Nissan un pilier de la compétitivité du groupe, à laquelle Renault a adjoint une politique de construction d‘usines "régionales" en Europe de l’Est ou au Maghreb pour profiter des écarts de valeur.

À ce jour, cette vision a montré qu’elle était beaucoup plus pérenne que celle poursuivie par PSA.

En effet, malgré tous ses efforts pour rester en France et promouvoir le "made in France", PSA n’aura réussi ni à s’attirer les bonnes grâces de l’exécutif, ni à retrouver les chemins de la croissance. C’est donc en quelque sorte une "double peine" qui s’abat sur le constructeur français, accusé – un peu à la hâte – de sacrifier l’emploi sur l’autel de la productivité.

Le paradoxe des relocalisations

Ce discours est dangereux pour la compétitivité de la France, et confine parfois à la facilité intellectuelle voire à l’hypocrisie, notamment lorsqu’il passe de l’automobile au rapatriement des emplois dans les centres de relations clients. Ainsi, la dernière information faisant état du choix du Maroc pour gérer les appels des usagers par l’établissement public qui organise les transports en Ile de France, le STIF, a soulevé une levée de boucliers, notamment de la part de la société Webhelp, qui exploitait jusque-là ce marché.

Or, cette même société est le premier exploitant de centres d’appels…au Maroc, devant les opérateurs locaux du Royaume, ce qui signifie que les bénéfices confortables qu’elle réalise chaque année grâce aux faibles coûts du travail au Maghreb reviennent à ses actionnaires français, qui eux-mêmes sont taxés sur ces revenus par l’Etat.

Il y a donc là un véritable paradoxe, un double discours de la part des dirigeants de cette société, mais également de la part du gouvernement français.

En effet, le débat sur les centres d’appels et leur "relocalisation" est récurrent, et Laurent Wauquiez, alors ministre du gouvernement Fillon à l’été 2011, avait vite abandonné le projet de rapatrier les centres d’appel en France devant les aberrations économiques qu’il pouvait potentiellement générer.

Montebourg, rattrapé par la réalité

En effet, comment demander au Maghreb d’acheter des TGV et des tramways français, lorsque l’Hexagone refuserait en même temps à ces pays de continuer à exploiter un secteur économique – les centres de relations client – dans lesquels ils ont un avantage concurrentiel certain?

C’est là un aspect du problème qu’Arnaud Montebourg semble avoir sous-estimé jusque là, croyant probablement qu’il pourrait substituer l’énergie et le volontarisme au réalisme mondialisé.

Retrouver de la compétitivité et de la croissance en France passera par la formulation d’une vraie politique industrielle tricolore à long terme, faite d’audace et d’innovation, et non de récriminations à l’encontre de pays qui sont souvent, par ailleurs, des clients du commerce extérieur français. C’est uniquement à cette condition que la France retrouvera son dynamisme économique.

Source: NouvelObs LePlus

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