Ce que l’attaque de Nicolas Sarkozy contre la compagne de François Hollande veut dire

Nicolas Sarkozy a cité la compagne de François Hollande, Valérie Trierweiler, salariée d’une chaine de télévision du groupe Bolloré. Cette attaque indirecte est-elle la conséquence de la guerre psychologique invisible que livre Hollande à Sarkozy ?


EXCLU – Nicolas Sarkozy, Président de la… par rtl-fr

Sur RTL, Nicolas Sarkozy, sans la nommer, a instrumentalisé la compagne de François Hollande, Valérie Trierweiler, pour les besoins de sa cause. Acculé par Alain Duhamel, qui ne le lâchait pas sur le sujet de ses relations avec les forces de l’argent qui tiennent le pays, Nicolas Sarkozy a fini par se défendre en attaquant le couple Trierweiler/Hollande : "Quand on a 35 ans de carrière politique, on connaît un certain nombre de gens. J’ajoute qu’on peut continuer les exemples : est-ce moi qui travaille dans le groupe de M. Bolloré ? Est-ce que le fait de travailler dans le groupe de Vincent Bolloré crée un sentiment de dépendance du candidat socialiste à l’endroit de M. Bolloré ? La réponse est non, je ne lui ferai pas ce procès, j’aimerai qu’on ne le fasse pas à moi !"

L’attaque est habile dialectiquement dans la mesure où Nicolas Sarkozy ne porte pas d’accusation. Il procède par syllogisme, indiquant que François Hollande, a travers sa compagne, peut être en connexion avec une puissance d’argent, mais qu’il entend bien, lui, Nicolas Sarkozy, ne pas l’accuser de collusion, et donc qu’il serait logique que l’on ne l’accuse pas de collusion, lui, Nicolas Sarkozy, dans la même situation.

Bien évidemment, personne n’est dupe, le président-candidat a volontairement cité le nom de Valérie Trierweiler en l’associant à celui de Bolloré pour jeter confusion et suspicion sur elle et François Hollande. Sans doute espère-t-il ainsi en tirer profit politique, en détournant quelques milliers de voix de gauche d’un vote Hollande au premier tour.

Mais l’enseignement majeur que révèle cette attaque ne réside pas là.

L’élection présidentielle ne constitue pas seulement un choc de projets, de programmes, de blocs et de personnalités. C’est aussi le théâtre d’un affrontement psychologique de haut niveau. Il y a les attaques publiques, les accusations de mensonge, de reniement, tout ce qui fait le miel des éditorialistes à l’ancienne, mais il existe aussi ce qui est rarement relevé et souligné : une guerre psychologique où tous les coups sont permis.

Un exemple ? En 1974, durant le débat de l’entre deux tours, Giscard glissa une allusion sournoise et vicieuse à la vie privée de Mitterrand dans le but de le déstabiliser. De ce débat, on retient souvent l’apathie du candidat socialiste cloué par la sortie sur le "monopole du cœur", négligeant trop souvent le fait que le coup le plus terrible porté par Giscard fut celle allusion en forme de menace de révélation sur la vie privée de Mitterrand.

Une campagne présidentielle nécessite une connaissance particulière de la psychologie de l’adversaire, de ses ressorts, de ses faiblesses, et il n’est de bon candidat qui ne répugne à en user. Il faut savoir haïr sereinement l’adversaire, comme Mitterrand s’y entendait. Un journaliste qui avait couvert l’élection présidentielle de 1981 a même dit qu’à cette époque, en privé, Mitterrand donnait l’impression de "s’entrainer à haïr Giscard".

De ce point de vue, François Hollande se comporte comme il convient, comme s’il balisait déjà le terrain psychologique de l’affrontement final et par conséquent le débat du second tour, débat inéluctable qui constituera sans doute le "climax" de cette campagne 2012 et qui s’annonce déjà bien plus passionnant que les pauvres représentations de 1995 et 2007.

Mine de rien, Hollande multiplie les pointes contre Sarkozy, appuyant sur les faiblesses narcissiques du personnage. Il y a eu d’abord eu la sortie "sale mec" et nous avons dit ici, au moment où la polémique battait son plein, qu’in fine, cette sortie, conforme à l’opinion majoritaire des Français, causerait tort à Sarkozy et servirait Hollande. Notre modestie en souffre, mais nous avons sans doute eu raison. A cela, il faut ajouter qu’elle envoyait un message psychologique précis à Nicolas Sarkozy : "les gens ne t’aiment pas, et je suis l’intrument de cette haine".

La semaine passée, suite au bafouillage de Nicolas Sarkozy au 20H de la 2 sur le Fouquet’s, acte de contrition raté, invité le lendemain de France Inter, Hollande a placé un trait dont la portée n’a pas été assez soulignée :
"Oui, ça m’a touché. Il y a un côté petit garçon qui vient de dire qu’il ne retournerait plus au Fouquet’s la fois prochaine". Sans avoir l’air d’y toucher, en comparant Nicolas Sarkozy à "un petit garçon" qui s’excuse, François Hollande, qui connait ses classiques, a appuyé sur une des plus grandes faiblesses du président sortant : son narcissisme et l’idée qu’il veut qu’autrui se fasse de lui.

Souvenez-vous : ce n’est pas la première fois que quelqu’un soumet le narcissisme de Nicolas Sarkozy a la terrible comparaison du "petit garçon". En 2007, un journaliste de télévision, indéboulonnable présentateur du 20h de TF1 s’y était déjà hasardé, demandant au nouveau président, quelques semaines après son élection et son premier G8 s’il ne s’y était pas senti "excité comme un petit garçon qui est en train de rentrer dans la cour des grands". Vous souvenez-vous de la réponse ?

La réponse fut violente : "C’est très aimable de présenter les choses comme ça. (…) petit garçon franchement, à 52 ans, c’est parce que vous êtes plus jeune que moi que vous me voyez si jeune", et comme Poivre tentait de protester, "ce n’était pas un reproche", la réponse définitive, lourde de sens, fusa : "Oui bien sûr, c’est un compliment" et d’enchainer sur son parcours méritocratique, tentant d’effacer la comparaison de Poivre d’Arvor, de la nier.

Quelques mois plus tard, PPDA quittait contre son gré la présentation du 20heures de TF1, et depuis, la rumeur, tenace, attribue ce départ à ce "petit garçon" proféré à l’encontre du chef de l’État.

Dans cette perspective, tout s’explique. François Hollande, fin connaisseur des âmes humaines, au-delà des apparences immédiates du théâtre de l’élection présidentielle, a engagé la guerre psychologique contre Nicolas Sarkozy.

De "sale mec" à "petit garçon", Hollande joue avec le narcissisme de son adversaire, comme pour le pousser à la faute, tôt ou tard, comme s’il voulait l’amener, au soir du grand débat télévisuel du second tour, à l’affronter dans un état psychologique particulier, comme s’il souhaitait affronter un Sarkozy déchainé, emporté, au narcissisme meurtri, donc en demande de réparation, et par conséquent prêt à commettre l’acte manqué irréparable.

Dans cette perspective encore, le passage à l’acte agressif commis à l’égard de Valérie Trierweiler ce matin, est assez révélateur de ce que la guerre psychologique à la Hollande porte ses fruits sur le personnage Sarkozy.

"Même pas mal" répète, parait-il François Hollande à ses amis lorsqu’on lui rapporte les attaques de Nicolas Sarkozy à son sujet. Et sans doute se réjouit-il, lui, le candidat socialiste, même lorsque sa compagne est prise à partie par le président-candidat, de constater les souffrances du jeune Sarkozy.

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