Catalogne: choc frontal entre Madrid et Barcelone, l’UE refuse d’arbitrer

A la veille d’un conseil des ministres extraordinaire du gouvernement espagnol, le bras de fer est total vendredi entre Madrid et la Catalogne, de plus en plus menacée de voir son autonomie suspendue, et l’UE a clairement écarté l’idée de jouer un rôle de médiateur.

"On ne va pas vous cacher que la situation est préoccupante", a concédé jeudi le président du Conseil européen, Donald Tusk, lors d’un sommet des dirigeants de l’UE à Bruxelles: "Mais il n’y a pas de place, pas d’espace pour une médiation, une initiative ou une action internationales", a-t-il insisté, soutenant ainsi fortement la position de Madrid.

"Nous avons tous nos propres émotions, opinions, évaluations, mais d’un point de vue formel il n’y a pas d’espace pour une intervention de l’UE" dans cette crise, a insisté M. Tusk.

"Nous soutenons la position du gouvernement espagnol (…) Nous espérons aussi que des solutions pourront être trouvées sur la base de la Constitution espagnole", avait déclaré auparavant Mme Merkel en arrivant à Bruxelles.

Les dirigeants européens vont "envoyer" un "message d’unité autour de l’Espagne", avait renchéri le président français Emmanuel Macron, avant de rencontrer M. Rajoy en fin d’après-midi.

Même le Premier ministre belge Charles Michel, qui avait émis des critiques sur la gestion de la crise par Madrid, en a profité pour démentir tout "incident" diplomatique avec l’Espagne évoqué dans la presse de son pays.

Catalogne = Crimée ?

Seule ombre au tableau dans ce concert de soutiens, l’ironie de Vladimir Poutine, qui a dénoncé un "deux poids deux mesures" de l’Union européenne, mettant la Catalogne sur le même plan que la Crimée, dont l’annexion par la Russie au détriment de l’Ukraine en 2014 après un référendum avait valu à Moscou des sanctions européennes.

Autant de messages de soutien donc à la position de Madrid, alors que le président indépendantiste catalan Carles Puigdemont n’a toujours pas répondu à la mise en demeure du gouvernement espagnol, qui l’avait sommé de préciser jeudi au plus tard s’il avait, oui ou non, déclaré l’indépendance de sa riche région de 7,5 millions d’habitants.

De même, M. Puigdemont n’a toujours pas cédé à la demande de Madrid de "rétablir l’ordre constitutionnel" en Catalogne, où vivent 16 % des Espagnols.

"Si le gouvernement persiste à empêcher le dialogue et poursuivre la répression, le Parlement de Catalogne pourra procéder (…) au vote d’une déclaration formelle d’indépendance", a-t-il seulement déclaré jeudi matin, dans une lettre adressée au chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy.

Ce courrier, dernier épisode d’un conflit sans précédent entre le gouvernement central espagnol et une de ses régions depuis que l’Espagne est redevenue démocratique en 1977, a clairement été interprété comme une menace par Madrid.

Le gouvernement espagnol, accusant les dirigeants catalans de "chercher, délibérément et systématiquement, l’affrontement institutionnel", a ainsi promis de "restaurer au plus vite la légalité et l’ordre constitutionnel" en déclenchant l’article 155 de la Constitution, qui permet de suspendre tout ou partie de l’autonomie d’une région.

Les mesures de suspension de l’autonomie seront définies samedi lors d’un conseil des ministres extraordinaire qui devra les transmettre au Sénat, en vue de leur validation fin octobre.

La longueur de la procédure permet "que les acteurs aient plus de marge de manoeuvre pour une éventuelle négociation", explique le politologue Pablo Simon.

Pour lui, "le gouvernement central tente un coup politique: il veut voir si l’unité dans le bloc indépendantiste se fissure et si on va à des élections", a-t-il expliqué à l’AFPTV, une éventualité pour l’heure écartée par les séparatistes qui ont dit leur volonté d’être "toujours coordonnés".

‘Je suis saturé’

Il n’empêche que Carles Puigdemont reste tiraillé.

La CUP, son allié-clé d’extrême gauche, qui souhaite la naissance immédiate d’une république catalane indépendante, a appelé à de nouvelles manifestations dès jeudi soir. Et une centaine de militants a aussitôt répondu à l’appel, sous des trombes d’eau, devant la préfecture de Barcelone, aux cris de "dehors les forces d’occupation !" et "Inde-Inde-indépendance".

Les milieux économiques le pressent, eux, de reculer. Plus de 900 entreprises ont déjà transféré leur siège social hors de la région depuis le référendum d’autodétermination interdit du 1er octobre, et le tourisme chute.

Si les séparatistes maintiennent pourtant que les 2 millions de Catalans qui ont -selon leurs chiffres- voté "oui" à l’indépendance leur ont conféré un "mandat populaire" pour déclarer l’indépendance, la société catalane est profondément divisée.

"Je suis saturé, là. (…) Chaque jour, il y a +une échéance très importante+", se lamente Albert Puig, interrogé par l’AFP jeudi dans les rues de Barcelone. "J’ai beau m’informer, je ne vois pas d’avancée", ajoute l’informaticien de 35 ans, qui se dit "plutôt en faveur des indépendantistes" mais ne sait plus "très clairement quoi penser".

"Avec une menace d’indépendance sur la table, le dialogue est très difficile, pour ne pas dire impossible", a estimé de son côté le chef des socialistes catalans, Miquel Iceta. (afp)

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