Brésil: Dilma Rousseff doit quitter la présidence dans quelques heures

Le plus grand pays d’Amérique latine va en même temps tourner la page de 13 ans de gouvernement du Parti des travailleurs (PT), entamée en 2003 avec l’ancien président Luiz Inacio Lula da Silva, qui a présidé au boom socio-économique brésilien des années 2000.

Réunis depuis mercredi matin en assemblée plénière, les sénateurs brésiliens se relayaient toujours au coeur de la nuit à la tribune pour sceller le sort de l’impopulaire dirigeante de gauche, accusée de maquillage de comptes publics.

Mais bien avant le vote électronique final, il ne faisait plus aucun doute qu’une majorité simple de 41 votes serait réunie pour ouvrir le procès de Mme Rousseff et l’écarter du pouvoir pendant un maximum de 180 jours, en attendant leur jugement final.

A 02H00 (05H00 GMT), 37 sénateurs avaient annoncé qu’ils se prononceraient pour le départ de la présidente et 14 seulement contre, sur un total de 81.

Ironie de l’Histoire, l’ex-président Fernando Collor de Mello, qui avait démissionné en 1992 quelques jours avant sa destitution pour corruption, a participé aux débats en sénateur. Sans dévoiler quel serait son vote.

Première femme élue présidente du Brésil en 2010, Mme Rousseff, 68 ans, doit s’exprimer jeudi vers 10H00 (13H00 GMT) avant de quitter le palais du Planalto et prendre un bain de foule avec ses partisans, selon le service de communication du PT interrogé par l’AFP.

Le PT a convoqué élus et militants devant le siège de la présidence à 08H30, sous le mot d’ordre "Nous n’acceptons pas un gouvernement illégitime".

Elle devait gagner ensuite sa résidence de l’Alvorada, où elle continuera de vivre avec sa mère pendant la durée du procès.

Le futur président en exercice Michel Temer, 75 ans, s’adressera à la nation à 15H00 depuis la présidence, accompagné de son ministre des Finances Henrique Mereilles, selon le site d’information UOL.

Il devrait annoncer la formation d’une partie de son gouvernement, centré sur le redressement économique.

"Une ambiance d’enterrement" a régné mercredi à la présidence, où Mme Rousseff a fait emballer ses effets personnels, a confié un collaborateur à l’AFP, sous couvert d’anonymat.

"L’ambiance est très triste ici", a confirmé une femme travaillant au cabinet de Mme Rousseff. "Beaucoup d’entre nous cherchons un nouvel emploi. Nous ne voulons pas travailler pour le vice-président".

Par craintes d’échauffourées, les autorités avaient érigé des barrières métalliques devant le Sénat pour séparer les manifestants des deux camps. Lors d’un bref moment de tension, la police a tiré des gaz lacrymogènes sur des partisans de Mme Rousseff.

Mais l’immense Esplanade est restée pratiquement déserte.

L’opposition accuse la présidente d’avoir commis un "crime de responsabilité" en maquillant sciemment les comptes publics pour dissimuler l’ampleur des déficits en 2014, année de sa réélection disputée, et en 2015.

Mme Rousseff, ancienne guérillera torturée sous la dictature (1964-85), se défend en soulignant que tous ses prédécesseurs ont eu recours à ces "pédalages budgétaires" sans avoir été inquiétés.

Elle se dit victime d’un "coup d’Etat" institutionnel ourdi par Michel Temer, qui a précipité sa chute en poussant fin mars sa formation, le grand parti centriste PMDB, à claquer la porte de la majorité.

Mme Rousseff a exclu toute démission et se dit déterminée à "lutter par tous les moyens légaux et de combat" contre sa destitution.

Le vote final des sénateurs pourrait intervenir en septembre, entre les jeux Olympiques de Rio de Janeiro (5-21 août) et les élections municipales d’octobre.

De l’avis des analystes, les chances de Mme Rousseff d’échapper à la destitution sont désormais très minces.

Le tout aussi impopulaire Michel Temer, crédité à peine 1% à 2% d’intentions de vote en cas d’élection, va donc probablement diriger le Brésil jusqu’à la fin du mandat en 2018.

Il va hériter du cocktail explosif qui a conduit droit dans le mur Mme Rousseff: la pire récession depuis les années 1930 et l’énorme scandale de corruption Petrobras, aux développements judiciaires imprévisibles, qui éclabousse son propre parti au plus haut niveau.

Il pourra compter dans un premier temps sur le soutien des milieux d’affaires qui espèrent un choc de confiance, et sur celui, prudent, des partis de droite qui ont oeuvré à la destitution de Mme Rousseff.

M. Temer prépare un paquet de mesures libérales et par nature impopulaires qui pourraient jeter les syndicats dans la rue: ajustement budgétaire sévère, réforme du système déficitaire des retraites et de la législation du travail.

Il "va hériter en grande partie de l’insatisfaction des Brésiliens contre la politique traditionnelle qu’il incarne", souligne Thiago Bottino, analyste à la Fondation Getulio Vargas.

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