Aviation: pas de sécurité au rabais pour les low cost, mais des risques à surveiller

L’accident d’AirAsia a fait ressurgir des interrogations sur les compagnies aériennes low-cost dont le transporteur malaisien est l’un des leaders, car ces compagnies jeunes ont connu une expansion ultra-rapide et emploient des équipages internationaux, ce qui ne favorise pas une solide culture de sécurité selon les experts.

"Low cost ne veut pas dire nécessairement low safety (sécurité au rabais) mais encore faut-il que les dirigeants de ces compagnies aient bien ça en tête", résume Patrick Ky, directeur de l’Agence européenne de sécurité aérienne (AESA).

En Europe, la britannique easyJet et sa concurrente irlandaise Ryanair, sans aucune catastrophe à leur passif, en font la démonstration.

"Ryanair a souvent été décriée pour des raisons sociales. Nous avons reçu des tas de lettres anonymes et de pilotes affirmant que les contrats de travail ne permettaient pas d’assurer pleinement la sécurité. Mais chaque fois que nous avons inspecté ses opérations aériennes, nous avons été étonnés par le très haut niveau de sécurité", souligne M. Ky.

Car si les prix mini restent l’argument marketing de ces compagnies, une perte d’avion peut ruiner leur modèle économique, les passagers ne pouvant consentir à voyager sur des compagnies accidentogènes.

La disparition encore inexpliquée de l’Airbus A320-200, qui reliait la ville indonésienne de Surabaya à Singapour avec 162 personnes à bord, est le premier événement grave enregistré par AirAsia en 13 ans d’activité. Malgré sa croissance exponentielle – plus de 300 Airbus en commande – elle est d’ailleurs considérée comme sûre par la communauté internationale.

Stéphane Albernhe, expert aéronautique au cabinet de conseil Archery Strategy consulting, note, lui, qu’avec des règles de sécurité de plus en plus draconiennes, "la difficulté reste dans l’application des réglementations".

"Une compagnie mature ne prendra jamais le risque de faire voler un avion non certifié et respectera à la lettre les directives des autorités de contrôle aérien. Ce n’est toutefois pas le cas de toutes les compagnies des pays émergents", dit-il.

D’où la liste dressée par l’Union européenne (UE) des transporteurs interdits de vol dans l’espace aérien européen.

– Equipages de toutes nationalités –

"Dans le cas d’AirAsia et d’une manière globale, en Asie du sud-est, notre principale préoccupation n’est pas tant la compagnie que le niveau de sécurité ou de culture de sécurité des autorités nationales", reprend pour sa part Patrick Ky.

Sur la liste noire de l’UE, 90 à 95% des compagnies sont interdites de vol en raison de défaillances de leur autorité de surveillance, indique-t-il.

Aussi l’AESA apporte-t-elle son aide à différentes autorités nationales, en particulier en Asie où le trafic low cost a triplé en dix ans. Elle contribue notamment à mettre en place des méthodologies d’analyse de sécurité et des formations d’inspecteurs.

L’autre difficulté tient au fait que ces compagnies sont aussi celles qui emploient des équipages de toutes nationalités.

"Or, lorsqu’on met dans un avion, a fortiori dans un cockpit, des personnels qui ne sont pas du même pays, qui n’ont pas appris à piloter au même endroit, qui n’ont pas la même culture d’entreprise et qui restent au mieux deux ou trois ans dans la compagnie, cela peut poser problème", commente un expert aéronautique et ancien pilote sous couvert d’anonymat.

Il estime que le seul modèle low cost est en soi un facteur de risque "en ce sens qu’une compagnie aérienne classique est héritière d’une tradition, souvent fondée par des pilotes ou ingénieurs passionnés de l’aéronautique quand les transporteurs à bas coûts sont le fait de financiers et d’experts en marketing".

"Il y a certainement des efforts particuliers à faire pour faciliter l’intégration de ces équipages et avoir une culture de sécurité commune", reconnaît Patrick Ky.

D’autant que des compagnies traditionnelles sont elles aussi concernées.

Un commandant de bord formé dans l’armée de l’Air et un copilote du civil ont habituellement un lien hiérarchique très fort. L’ancien pilote militaire, qui a souvent rencontré de conditions opérationnelles difficiles, peut également se sentir autorisé à affronter une zone météorologique complexe comme il a pu le faire avec un Hercules ou un Transall, et mettre ainsi en danger le vol.

Dans des pays tels que le Japon, il est d’usage de ne pas s’opposer aux décisions de son chef. Mais un geste inapproprié face à un dysfonctionnement peut être fatal dans un avion.

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Ce site Web utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que vous êtes d'accord avec cela, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. J'accepte Lire la suite