Au Maroc, le hashtag #MeToo pour dénoncer le harcèlement libère difficilement la parole

Après les Etats-Unis et l’Egypte, le hashtag #MeToo (#Ana Aïdane) arrive au Maroc. Depuis lundi 16 octobre, la mention #MeToo est sur les réseaux sociaux marocains invitant les femmes qui ont été "harcelées ou agressées sexuellement que ce soit verbal ou physique à utiliser ce hashtag. Cela aidera à mesurer l’ampleur du phénomène".

Au Maroc, où le harcèlement sexuel se pratique dans la plus grande des impunités, un tel hashtag qui a provoqué une déferlante aux Etats-Unis alors qu’en France le #BalanceTonPorc sur Twitter a suscité un vrai raz de marée, peine à libérer la parole. "Les témoignages de femmes harcelées se font difficilement. En Egypte par exemple, elles préfèrent témoigner de manière anonyme. Chez nous, la parole se libère difficilement", reconnaît Sanaa El Aji, la journaliste et écrivaine qui n’en finit pas de se mobiliser contre le harcèlement sexuel contre les femmes.

Ces dernières semaines, les Marocains ont pourtant eu à vivre des affaires d’agressions sexuelles qui ont secoué l’opinion publique. L’affaire Zineb, cette jeune femme de 24 ans agressée sexuellement –et filmée- à l’arrière d’un bus, en plein jour, à Casablanca par une horde de jeunes hilares, a mobilisé la Toile jusqu’à ce que justice soit faite et les coupables arrêtés.

Cet été encore, et dans la torpeur du mois de juillet, une vidéo de quelques secondes fait le tour des réseaux sociaux. La scène se passe à Tanger et on y voit une bande de jeunes hommes en train de traquer une femme en jeans et tee-shirt marchant seule dans la rue. Son crime, être une femme habillée de manière moderne et seule dans l’espace public.

Et il y a quelques jours à peine, éclatait le scandale provoqué par le cheikh et prédicateur Fizazi qui avait promis le mariage à une jeune Marocaine se contentant de la « Fatiha » pour légaliser leur union.

Au Maroc, et selon les statistiques officielles, deux femmes sur trois sont victimes de violences. Si la loi sanctionne le harcèlement sexuel sur le lieu du travail, il n’en est rien dans l’espace public dont les Marocaines sont interdites si elles n’obéissent pas un code vestimentaire proclamé par des gardiens du temple. Sur la Toile, les commentaires sont toujours mitigés dès qu’il s agit des agressions sexuelles que subissent les Marocaines. Entre ceux légitiment de telles violences et ceux qui font des femmes des coupables, la condamnation de tels actes se fait, dans le meilleur des cas, du bout des lèvres.

Pour Sanaa El Aji, dont le livre "Sexualité et célibat au Maroc" est paru cette semaine, le chemin est encore long. "Je suis souvent exposée à des insultes sur Twitter. On me reproche de ne parler que de sexe. On me traite de frustrée, d’obsédée. Parfois, on se lasse de se battre. Et je peux comprendre que les femmes ne veuillent pas témoigner du harcèlement dont elles seraient victimes", a déclaré à Atlasinfo Sanaa El Aji.

Aux Etats-Unis, en France et en Egypte, ces initiatives sur Twitter qui ont pour but de libérer la parole des femmes victimes de harcèlement et d’agressions sexuelles font suite aux accusations visant le producteur de cinéma américain Harvey Weinstein.

L’initiative de l’hashtag contre le harcèlement prendra-t-elle au Maroc ? En tout cas, #MeToo (#Ana Aydane) est loin de se hisser en haut des "trending topics", le classement des sujets les plus discutés sur les réseaux sociaux.

Très peu d’anonymes témoignent et le font à mots couverts. Aucune personnalité artistique, culturelle ou autre n’a fait état d’une douloureuse expérience de harcèlement, histoire de briser le tabou et mettre fin à l’omerta.

En attendant l’adoption d’une loi qui criminalise le harcèlement autant que l’agression, le harceleur marocain a encore de beaux jours devant lui.

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