Arabie: une militante libérée relève « une lueur d’espoir » dans le nouveau roi

Libérée du "mauvais rêve" de trois mois passés en détention en Arabie saoudite, la militante Souad al-Shammari, co-fondatrice avec le blogueur emprisonné Raef Badaoui d’un forum de discussions sur internet, relève "une lueur d’espoir" dans le nouveau roi.

Cependant, ajoute-t-elle, il n’y a pas de chance dans l’immédiat que M. Badaoui ou son avocat Walid Abulkhair puissent bénéficier de l’amnistie annoncée par le roi Salmane qui a accédé au trône le 23 janvier, à la mort de son demi-frère Abdallah.

"Malheureusement, l’amnistie du roi a un certain nombre de conditions et ne concerne pas des prisonniers de conscience, des hommes politiques et des militants", dit Mme Shammari à l’AFP dans sa première interview depuis sa libération la semaine dernière.

MM. Badaoui et Abulkhair ont été nominés pour le Prix Nobel de la Paix par un membre norvégien du Parlement Karin Andersen.

Mme Shammari avait été arrêtée fin octobre pour insulte envers l’islam après avoir posté sur Twitter des remarques sur des dignitaires religieux.

Ses conditions de détention ont été pires que ce à quoi elle s’attendait. "Une cellule est conçue pour accueillir au maximum huit femmes mais, parfois, il y en avait le double. Pendant deux mois, je n’avais pas de lit et je dormais à même le sol", raconte-t-elle depuis Jeddah, sur la Mer rouge.

A la libération, "c’est comme si je m’étais réveillée d’un mauvais rêve" mais avec "un pincement au coeur pour les autres prisonniers de conscience".

Mme Shammari a indiqué que sa libération n’avait rien à voir avec l’amnistie royale, et qu’elle résultait de négociations avec le régime.

Parmi les conditions à son élargissement, elle est tenue de ne pas participer à des conférences "hostiles au gouvernement" ou de s’associer à "l’internationalisme libéral" et doit s’abstenir d’attaquer les institutions.

"Je n’ai jamais fait cela et je ne le ferai jamais. Je m’oppose seulement aux abus de corruption qui affectent l’Etat, sa réputation et la dignité de ses citoyens", dit-elle.

– Paix et tolérance –

Mme Shammari avait co-fondé avec Raef Badaoui sur internet le Liberal Saudi Network qui a agi, selon elle, pendant quelque quatre ans avec l’ambition de "promouvoir la culture des droits, du droit à la liberté de parole et d’expression".

Le réseau supportait aussi la paix, la tolérance, le dialogue et la libération de la femme saoudienne de "la tutelle masculine", ajoute-t-elle.

Mais M. Badaoui a été arrêté en juin 2012 pour cybercriminalité.

Et un juge a ordonné la fermeture du réseau après des critiques contre la police religieuse du royaume. Le réseau avait appelé à mettre fin à l’influence de la religion sur la vie publique.

Raef Badaoui purge une peine de 10 ans de prison pour insulte envers l’islam et a été condamné à 1.000 coups de fouet. Sa première séance de flagellation de 50 coups le 9 janvier a suscité l’indignation internationale. Depuis, d’autres séances ont été reportées.

Le militant Abulkhair, reconnu coupable notamment d’avoir "porté atteinte au régime", a lui été condamné en juillet à 10 ans de prison ferme et à 5 ans avec sursis. En janvier, une cour d’appel a confirmé sa condamnation à 15 ans de prison.

MM. Abulkhair et Badaoui figurent parmi une douzaine de "prisonniers de conscience" détenus pour militantisme pacifique dans le royaume saoudien, selon Amnesty International.

Les Etats-Unis, la Suède, le Canada et l’Union européenne ont dénoncé la condamnation de M. Badaoui, mais Mme Shammari "craint qu’ils ne se réfugient de nouveau dans le silence".

"Les perspectives ne sont pas claires. Mais il y a une lueur d’espoir dans le roi Salmane, le seul parmi ses frères à se soucier et à soutenir vraiment les médias, les écrivains et les faiseurs d’opinion", affirme Mme Shammari, ajoutant que les fils du souverain sont actifs dans le secteur des médias.

"Je suis optimiste et je m’accroche à l’espoir", conclut-elle.

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