Après les attentats de Paris, les musulmans craignent des amalgames

Les attentats ayant été commis par des djihadistes, les membres de la communauté musulmanes redoutent d’être pointé du doigt ou de subir des représailles.

Des musulmans craignent de voir rouvrir le cycle des amalgames sinon des représailles après les attentats, même si les militants du dialogue interreligieux tentent de les rassurer sur l’unité de la société. Dès la nuit qui a suivi les attaques ayant fait vendredi au moins 129 morts à Paris et près du Stade de France, quelques croix dégoulinantes d’une peinture rouge sang ont été dessinées sur des murs de la mosquée de Créteil, selon l’Observatoire contre l’islamophobie du Conseil français du culte musulman (CFCM). D’autres inscriptions, notamment "France réveille-toi !" ont été découvertes sur les portes d’une salle de prière musulmane et d’une boucherie halal à Oloron-Sainte-Marie, dans les Pyrénées-Atlantiques, a-t-on indiqué de même source.

Et l’observatoire du CFCM évoque aussi le "passage à tabac" d’un homme d’origine maghrébine, samedi à Pontivy (Morbihan), lors d’une manifestation contre les migrants organisée par un groupuscule régionaliste identitaire. Les responsables musulmans, notamment les gestionnaires des deux lieux de culte visés, n’ont pas donné un large écho médiatique à ces affaires, dans une France qui pleure ses victimes. Le président de l’Observatoire contre l’islamophobie et secrétaire général du CFCM, Abdallah Zekri, s’attendait même "à plus d’actes antimusulmans après les événements dramatiques de vendredi", confie-t-il.

"Rester solidaires et unis"

Il a toujours en mémoire "l’explosion" des actes haineux dans les jours qui ont suivi les attentats contre l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo : 21 actions (tirs, grenades lancées…) et 33 menaces (lettres, insultes, etc.) en cinq jours. Mais il regrette le "silence un peu inquiétant" qui entoure, depuis vendredi, les premières manifestations d’hostilité. "Je suis persuadé que ce phénomène va se renforcer. Je ne peux donc qu’appeler les musulmans de France à la prudence", déclare le secrétaire général du CFCM.

"Si on va vers davantage de débordements, si des individus profitent du deuil qui nous habite tous pour semer la panique, c’est Daesh (l’organisation Etat islamique, NDLR) qui aura gagné pour monter les communautés les unes contre les autres", poursuit-il. Le très militant Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) a lui appelé à "rester solidaires et unis", "la meilleure réponse que nous puissions apporter aux tentatives de division". Même son de cloche chez les acteurs du dialogue interreligieux, qui craignent que l’unité de la société prévalant dans les discours politiques et médiatiques depuis vendredi se fissure rapidement. "Aujourd’hui plus que jamais, la communion dans la prière et le refus des amalgames sont nécessaires", estime le Groupe d’amitié islamo-chrétienne (GAIC).

"Ne pas rester dans la passivité"

L’association Coexister, collectif de jeunes croyants ou agnostiques, s’active elle aussi, notamment sur les réseaux, sous le hashtag à succès #NousSommesUnis. Elle a aussi lancé #VoisinsUnis, une opération censée "favoriser les lieux de rencontre" et "mettre des mots sur l’indicible". Comment marquer sa solidarité avec les victimes et lutter contre le risque de l’amalgame entre les musulmans et les attentats du groupe EI, menés "au nom d’Allah", comme il l’a revendiqué dans un communiqué ? Le CFCM, puis toutes les grandes fédérations musulmanes, ont condamné très rapidement et vigoureusement la "barbarie" des attaques parisiennes et prôné "l’unité de la nation". Est-ce suffisant ? Des personnalités aux sensibilités très diverses, du recteur libéral bordelais Tareq Oubrou au salafiste quiétiste brestois Rachid Abou Houdeyfa, semblent en douter.

Le premier a appelé les musulmans à "ne pas rester dans la passivité" et à "participer aux débats" pour "ne pas laisser ces gens-là (les djihadistes, NDLR) confisquer leur religion", dans un entretien au Journal du dimanche. Sur une vidéo en ligne postée sur sa page facebook, l’imam de Brest a appelé ceux qui le suivent – nombreux sur la Toile – à "agir concrètement", par exemple par des marques de soutien aux familles des victimes. Le recteur de la grande mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, a lui appelé dimanche soir "tous les musulmans de France à manifester en toutes circonstances leur profonde indignation". Dès lundi midi, en participant à la minute de silence prévue dans tout le pays. Puis vendredi, en s’associant à l’"invocation religieuse pour les victimes" organisée à la grande mosquée.

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