Algérie – Législatives : le fiasco politique

Alors que 17 millions d’Algériens se sont abstenus aux législatives, les bulletins blancs devancent largement ceux obtenus par le FLN et le RND.

Indépendamment du résultat politique, joué d’avance, les élections législatives algériennes délivrent plusieurs messages. Un message de rejet, un message de désaveu, un message de colère. Au pays de Bouteflika, le rejet porte cette année plusieurs habits. Celui de l’abstention : plus de 61 %. Celui du vote blanc : plus de deux millions de voix sur les 8,6 millions de votants. Plus que les bulletins glanés, de gré ou de force, par le FLN et le RND, les frères jumeaux du système qui codirigent le pays ad vitam. À Alger, on dénombrait 1,9 million d’inscrits. 537 000 ont voté, dont 261 000 qui ont glissé un bulletin blanc dans l’urne. Quasiment la moitié… Pudiquement, on appellera cela un cinglant camouflet. Variante : une raclée administrée par voie démocratique.

Le ministre de l’Intérieur satisfait
Noureddine Bedoui, le ministre de l’Intérieur, a jugé « très acceptable » le taux de participation. « 38, 25 % » serait donc « très acceptable ». Le communiqué diffusé par l’Intérieur, sculpté par un menuisier expert en langue de bois, précisait que « le ministre a mis l’accent sur le haut niveau de conscience du citoyen algérien qui a usé de son droit en toute spontanéité et engagement, et a prouvé à travers sa participation à ce scrutin sa détermination à faire entendre sa voix au monde entier ». La voix s’est pourtant faite aussi filiforme qu’un filet.

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Au final, 8,6 millions d’Algériens se sont rendus dans les bureaux de vote, alors que 17 millions faisaient la grève du vote. Et si l’on retire les 2 millions de bulletins nuls, la nouvelle assemblée n’a été validée que par quelque 6 millions d’électeurs. Près de 19 millions d’Algériens sur 25 n’ont pas souscrit à l’offre politique qu’on a fait semblant de leur présenter. Difficile après de s’extasier sur « le haut niveau de conscience du citoyen algérien ». Celui-ci a signifié avec un calme olympien un désaveu massif à l’égard d’un pouvoir à bout de souffle. Le fossé entre la population jeune et ses dirigeants s’est creusé à un niveau inédit. On pourrait se dire que les politiques algériens subissent la même vague de désaveu qu’en Europe, que c’est momentané, temporaire. On pourrait se rassurer, cajoler. On pourrait.

Mais on ne peut pas…

On ne peut pas, car l’Algérie vit entre un Maroc qui se veut le hub de l’Afrique et une Tunisie devenue démocratique. « Mon pays est un gâchis écœurant », lâchait une Algérienne. Le désert des Tartares version Alger se poursuit malgré une population qui a très majoritairement affirmé qu’elle ne voulait plus continuer ainsi.

Par BENOÎT DELMAS
Le Point

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