Alain Juppé entre identité heureuse et guerre civile

Dans un paysage politique qui part dans tous les sens, au sein d’une droite qui semble laisser libre cours à ses démons pour conjurer ceux de l’extrême droite, face à une gauche à bout de souffle, Alain Juppé, maire de Bordeaux, candidat à la primaire des Républicains et du Centre, se veut comme un concentré de modération et de sagesse.

Par Mustapha Tossa

Quand il lui arrive de parler à la presse, il s’arrange toujours pour faire apparaître ses différences par rapport aux postures controversées de son principal rival Nicolas Sarkozy. À l’identité torturée qui exclut et qui a peur que Sarkozy malmène à longueur d’interviews, Alain Juppé veut se faire le chantre d’une « identité heureuse » qui rassemble et intègre. Aux incongruités des uns lancées par démagogie et stratégie électorale, il préfère opposer ses certitudes et ses convictions de républicain

bon teint qui tranche avec la pensée extrême du moment.

Alain Juppé est pressenti par beaucoup comme le futur président de la république…mais à une seule condition et elle est vitale qu’il passe avec succès le barrage des primaires des républicains et du centre. Car dans les sondages d’opinion, ni Marine Le Pen ni François Hollande ne peuvent lui résister. Et contrairement aux apparences, cet exercice des primaires paraît la fois accessible et insurmontable. D’abord parce que son adversaire du moment, Nicolas Sarkozy agit comme si l’issue de ces primaires était une question de vie ou de mort pour lui. Gagner les primaires pour Sarkozy équivaut à ouvrir un grand boulevard pour l’Elysée et donc à s’octroyer un quinquennat d’immunité présidentielle qui éloigne de lui le feu de la justice et des juges qui rodent autour de lui. Pour réaliser cet objectif, Nicolas Sarkozy est capable de lancer ses troupes les plus fidèles, son noyau dur, mais aussi ses mauvais coups dans la bataille. Ce qui donne cette certitude que ces primaires seront politiquement sanglantes.

Le second handicap d’Alain Juppé est lié à son âge. Ses adversaires se donnent un plaisir à en faire état et à suggérer les soucis de santé et de mauvaise gouvernance que cela pourrait impliquer. Toute la logique d’un Sarkozy est de dire aux Français que la France est un pays jeune qui a besoin d’être gouvernée par une dynamique nouvelle et non par un grand- père qui, certes dans une autre vie a été, selon le célèbre mot de Jacques Chirac, "le meilleur d’entre nous" mais qui aujourd’hui semble anachronique.

Pour défendre sa stratégie, Alain Juppé n’hésite pas mettre le pied dans le plat. Il accuse sans le nommer Nicolas Sarkozy de vouloir initier par ses postions incendiaires, une guerre civile. Le terme est bien choisi et reflète les tensions communautaires qui menacent lourdement le vivre ensemble français. Et il le dit avec une clarté et un ton direct inédit :" Si nous continuons comme ça, nous allons vers la guerre civile". Alain Juppé propose sa solution:" Il faut absolument apaiser le climat qui règne aujourd’hui en France. Le simple mot de " musulman " suscite une hystérie disproportionnée".

En prenant cette position, Alain Juppé veut occuper le créneau de la modération et de la rationalité quand ses adversaires, à gauche comme à droite courent derrière les solutions extrêmes, pensant à tort ou à raison être en phase avec l’humeur d’une opinion traumatisée par le terrorisme et sourdement inquiète par les immenses vagues d’immigration qui s’abattent sur les territoires européens.

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