Affaire DSK: la rédaction du «Figaro» gênée aux entournures

Le quotidien de droite fait ses choux gras des rebondissements de l’affaire DSK. Mais la ligne dure impulsée par la direction fait débat dans la rédaction.

Le photomontage figurait en une du Figaro mardi dernier. Sous le titre «Affaire Banon-DSK: François Hollande va être entendu». Il représentait les visages en gros plan du socialiste et de la victime présumée de Dominique Strauss-Kahn. Cette titraille tapageuse, aux allures de mise en cause, a provoqué des réactions indignées au PS. Comme celle du député André Vallini, pour qui il est «incompréhensible» de présenter «une audition normale, pour ne pas dire banale (…) comme un événement de première importance». Un sentiment partagé… jusque dans la rédaction du Figaro lui-même.

«C’était totalement disproportionné, quasiment aussi gros que pour la mort de Ben Laden», lâche un journaliste dépité. Certes, le quotidien est historiquement lié à une ligne de droite libérale. Mais ils sont aujourd’hui un certain nombre à déplorer, de l’intérieur, une dérive partisane de leur journal. «Il y a un gros sentiment de lassitude à la rédaction, poursuit notre source. Les angles sont un peu toujours les mêmes: on tape la gauche, et à droite on critique Borloo et Villepin». D’après un autre, «les conversations sont récurrentes autour de la machine à café sur le traitement de ces affaires, la place qu’on leur donne. La phrase qui revient souvent, c’est : on ne va pas tenir un an comme ça. Mais au fond, c’est la résignation qui domine».

«Un bulletin interne de l’UMP»
Ce n’est pas la première fois que la ligne politique du journal divise sa rédaction. En juillet 2010, la Société des journalistes du Figaro dénonçait la publication d’un procès-verbal d’audition tronqué sur l’affaire Bettencourt, accompagné d’un article non-signé. Pratique qui «participait à l’évidence de la stratégie de communication élaborée à l’Elysée», selon la SDJ. Fin 2010, celle-ci a distribué aux journalistes un questionnaire sur la ligne politique du journal. La synthèse des réponses, rapportée par Mediapart, fait état d’une «gêne réelle quant à la mise en scène de l’information», certaines dénonçant même «une dérive faisant du journal un bulletin de l’UMP».

Contactée, la direction de la rédaction n’était pas disponible pour réagir à ces propos. Elle est pourtant directement mise en cause par certains journalistes. En première ligne, le directeur Etienne Mougeotte, arrivé en 2007 de TF1. «C’est lui qui a la haute main sur la ligne du journal, raconte un journaliste. On est dans une sorte dictature molle depuis quatre ans. Les gens en ont marre de se faire rembarrer, donc ils anticipent certains sujets qu’ils savent qu’il va demander. Et il ne faut pas être grand clerc pour voir qu’il y a une ligne directe entre lui et Serge Dassault».

«On craint la présidentielle»
L’industriel, propriétaire du Figaro, est également sénateur UMP de l’Essonne. Il vient d’obtenir l’investiture du parti présidentiel pour les sénatoriales de septembre prochain. D’autres réponses au questionnaire de la SDJ faisaient état de difficultés dans le traitement d’informations sur des pays en affaire avec le groupe Dassault – Brésil et Suisse, notamment. Il se raconte au Figaro que l’ancien rédacteur en chef Nicolas Beytout, en délicatesse avec le propriétaire, aurait quitté le journal avec une collection de faxes de Dassault demandant des modifications dans les articles à paraître.

Ce climat pesant est aussi alimenté par la fusion en cours entre les rédactions web et papier. «Les unes tirées par les cheveux s’ajoutent aux craintes liées à cette fusion menée à marche forcée, personne ne sait à quelle sauce il va être mangé», confie-t-on en interne. Où l’on ne serait pas contre un retour à un style plus sobre: «Tout ça expose beaucoup le journal. Et ça nous fait un peu peur pour la présidentielle».

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