Ada Colau pourrait devenir la première maire « indignée » d’Espagne

Rendue célèbre par sa lutte contre les expulsions de familles frappées par la crise, Ada Colau est en passe de devenir la première maire « indignée » d’Espagne après être arrivée en tête dimanche aux élections municipales à Barcelone.

Devant des militants euphoriques, Ada Colau, 41 ans, en larmes, a affirmé qu’avec sa liste, c’est "l’espoir" qui a gagné.

"Le désir de changement a vaincu la campagne de la peur, de la résignation, et avec ça c’est nous tous qui gagnons, surtout Barcelone", a-t-elle dit.

Ada Colau menait aux municipales la liste "Barcelone en commun", alliance de plusieurs partis de gauche intégrant notamment la jeune formation antilibérale Podemos, portée par le souffle du mouvement des "indignés" qui avait occupé les places d’Espagne en 2011.

Accusée d’être populiste, inexpérimentée et radicale par ses rivaux, elle a rallié les suffrages de plus de 176.000 électeurs, faisant de la deuxième ville la plus peuplée d’Espagne, avec 1,6 million d’habitants, le premier bastion des "indignés". Sa liste obtient onze sièges, contre dix pour le maire sortant et elle doit encore être investie.

Cheveux courts et ondulés, son visage rond était déjà célèbre dans le pays. Son travail à la tête de la PAH, organisation luttant contre les expulsions de familles surendettées, l’a convertie en héroïne des victimes de la crise.

Elle veut leur consacrer ses premières mesures une fois au pouvoir: paralyser les expulsions dans la ville, convertir les appartements vides en logements sociaux, forcer les entreprises à réduire les prix de l’eau, du gaz, de l’électricité ou encore lancer un revenu minimum de 600 euros pour les familles au bord de la misère.

Pendant la campagne, elle a battu le pavé des quartiers pauvres dans ce port méditerranéen cachant, derrière sa façade très touristique, de grandes différences entre zones pauvres et riches, encore accentuées par la crise.

– En finir avec les privilèges –

Sans passé politique ni militance dans aucun parti, Ada Colau veut en finir avec les "privilèges": elle abaissera son salaire jusqu’à 2.200 euros par mois, contre 143.000 euros par an pour le maire actuel, le nationaliste conservateur Xavier Trias, réduira le nombre de voitures officielles et limitera à deux le nombre de mandats.

En jean et t-shirt, elle emprunte les transports publics et vit en location avec son compagnon, également militant de la PAH et leur fils Luca de quatre ans, qui à un an savait déjà dire "Si, se puede", l’un des slogans des indignés inspirés du "Yes, we can" de Barack Obama.

Etudiante en philosophie, elle avait dû quitter l’université alors qu’il ne lui manquait plus que quelques matières à passer, pour aider financièrement sa famille. Enchainant les petits jobs elle a finalement été embauchée en 2007 dans un Centre d’études économiques et sociales.

"Le salaire le plus élevé que j’ai jamais touché était de 1.500 euros", a-t-elle dit récemment.

– Militante née –

Quatrième fille d’un designer graphique et d’une commerciale, séparés depuis, Ada Colau est née le 3 mars 1974 à Barcelone quelques heures après la dernière exécution d’un prisonnier sous la dictature de Francisco Franco (1939-1975), un célèbre anarchiste catalan.

"Ma mère me le rappelle à chaque anniversaire et ça a marqué mon engagement pour lutter pour un changement social", dit-elle. C’est avec sa mère qu’elle a participé à sa première manifestation à seulement cinq ans.

Militante de syndicats étudiants et de mouvements antimondialisation, elle a manifesté contre la guerre en Irak et surtout, pour le droit au logement.

Son travail à la PAH, association ayant empêché des milliers d’expulsions en dénonçant les excès de banques "complices" des dirigeants politiques, lui a valu une forte antipathie du Parti populaire (PP) au pouvoir en Espagne, qui l’a même qualifiée de "terroriste", mais aussi le Prix du citoyen européen en 2013 attribué par le Parlement européen.

Elle s’apprête à entrer dans les sphères du pouvoir qu’elle a si durement critiqué, avec l’intention de faire de Barcelone le "fer de lance d’un changement démocratique en Espagne et dans le sud de l’Europe".

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