10 omissions, flous et mensonges de François Fillon en conférence de presse

Devant la presse, le candidat de la droite a tenté de se défendre dans l’affaire d’emplois fictifs de son épouse et ses enfants. Au risque d’affirmer des contre-vérités.

Voici les éléments qui ont retenu notre attention :

Les dates d’emploi de Penelope Fillon comme assistante parlementaire

Sur TF1 le 26 janvier, après les premières révélations du "Canard enchaîné", François Fillon avait affirmé que son épouse avait été "rémunérée depuis 1997" pour ce travail de collaboratrice. La semaine suivante, le "Canard enchaîné" révélait qu’elle avait en fait été rémunérée dès 1988. Interrogé sur cette omission (volontaire ?), François Fillon n’a pas répondu et a insisté sur le trouble qu’on causé chez lui les révélations de la presse.

Les confessions de Penelope Fillon

Evoquant les déclarations de Penelope Fillon, qui a affirmé à plusieurs reprises qu’elle n’avait jamais travaillé pour son mari – notamment dans cette interview télévisée au "Sunday Telegraph" relayée par Envoyé Spécial dans laquelle elle assurait n’avoir jamais été l’"assistante" de son époux –François Fillon a choisi de jouer sur les mots. Elle n’a "jamais été [s]a subordonnée", a-t-il dit. "Elle a toujours été, d’abord et avant tout ma compagne de travail et ma collaboratrice." Un nouveau concept.

Le salaire de Penelope Fillon comme assistante de Marc Joulaud

On n’en saura pas plus sur le salaire de Penelope Fillon lorsqu’elle s’est mise au service du suppléant de son mari, Marc Joulaud. En choisissant d’évoquer le salaire moyen touché par son épouse au cours de ses années, 3.677 euros par mois – "un salaire parfaitement justifié pour une personne diplômée de droit et de lettres", astuce qui lui permet de "lisser" cette rémunération, François Fillon évite d’aborder un détail gênant. Selon le "Canard enchaîné", en effet, Penelope Fillon a été rémunérée 10.167 euros brut entre le 1er janvier et le 31 août, date de la fin de son contrat de travail. Même passé en net, ce montant est bien supérieur au salaire moyen d’un assistant parlementaire.

La mission de Penelope Fillon à la Revue des deux mondes

Le candidat n’a par ailleurs pas évoqué l’autre volet de l’affaire Penelope Fillon, qui concerne son emploi présumé fictif à la "Revue des deux mondes".

Le candidat n’est pas revenu sur les 100.000 euros versés à son épouse par la revue, sous la forme d’un salaire mensuel brut d’environ 5.000 euros, entre le 2 mai 2012 et décembre 2013.

Et quid de la collaboratrice de François Fillon qui aurait aussi bénéficié d’un emploi fictif à la Revue des Deux Mondes ? Là-dessus aussi, motus.

Le lien possible entre l’emploi et la Légion d’honneur

Surtout, il n’a pas été question du possible lien révélé par "Le Monde" ce lundi entre cet emploi présumé fictif et la Légion d’honneur dont a été décoré le directeur de la revue avant l’embauche de Penelope Fillon, lorsque François Fillon était Premier ministre. Il est vrai qu’aucun journaliste n’a demandé de précision à ce sujet et que l’intéressé s’est gardé d’en parler.

Les clients de la société 2F Conseil

François Fillon a nommé trois clients de sa société de conseil, 2F Conseil, activité qu’il assure avoir exercée "en toute légalité" : l’assureur Axa, la société Fimalac et la banque Oddo, et a affirmé n’avoir travaillé avec "aucune entreprise russe ni aucun organisme de ce pays".

Faute de questions sur le sujet, il n’a pas précisé les missions réalisées auprès d’Axa, dont l’ancien PDG Henri de Castrie est l’inspirateur du volet économique très libéral du programme de François Fillon. Ni surtout son rôle auprès de la société Fimalac, alors que son PDG Marc Ladreit de Lacharrière est directement impliqué dans l’un des volet de l’affaire d’emplois présumés fictifs de Penelope Fillon.

Pas un mais plus de dix comptes en banque

François Fillon avait assuré lors du meeting de La Villette qu’il n’avait qu’un seul compte commun, au Crédit Agricole de Sablé-sur-Sarthe. Le mercredi suivant, le "Canard enchaîné" avait montré que ce n’était pas un mais 15 comptes que le couple possédait dans cette banque, obligeant le candidat à rectifier les propos qu’il avait tenus en meeting : il n’a en fait "qu’une seule banque, mais plusieurs comptes".

Lors de la conférence de presse, le compte unique d’il y a 10 jours s’est transformé en liste à la Prévert : "Deux PEA, deux comptes titre, deux assurances vies, deux comptes épargne logement, trois comptes communs, un livret Développement durable, un livret A…"

Sur la mission précises de ses enfants comme assistants parlementaires

Sur TF1, au lendemain des premières révélations du "Canard enchaîné" François Fillon avait tenté de prendre les devants sur les futures révélations de l’hebdomadaire en expliquant avoir employé ses enfants "qui étaient avocats" lorsqu’il était au Sénat.

"Lorsque j’étais sénateur, il m’est arrivé de rémunérer, pour des missions précises, deux de mes enfants qui étaient avocats, en raison de leurs compétences", avait-il déclaré.

Pourtant, ils n’étaient pas encore avocats. Le candidat ne s’est pas expliqué sur ce point.

Or d’après les extraits de son audition révélés ce lundi par "Le Monde", François Fillon a affirmé face aux policiers que son fils Charles l’"a aidé en travaillant au programme du candidat à l’élection présidentielle [Nicolas Sarkozy, NDLR] sur des sujets institutionnels".

Quant à sa fille Marie, il a déclaré en audition qu’elle l’avait aidé à écrire son livre, "La France peut supporter la vérité", toujours d’après "Le Monde".

Mais lors de la conférence de presse, François Fillon a affirmé : "Mon fils n’a jamais participé à la campagne présidentielle." Et quid de sa fille ? "Ma fille avait tout à fait la possibilité de travailler à une base de documentation qui m’a permis de faire un livre politique”, répond-il. Est-ce vraiment le travail d’un assistant parlementaire ?

La journaliste britannique qui a interviewé Penelope Fillon n’est pas "choquée"

François Fillon affirme que la journaliste qui a interviewé Penelope Fillon en 2007 pour le "Sunday Telegraph" a été "choquée" par la diffusion d’extraits vidéos de cet entretien par Envoyé spécial jeudi dernier. On y voit l’épouse du candidat de la droite affirmer n’avoir "jamais été l’assistante" de son mari. Contactée par "Libération", la journaliste Kim Willsher, qui a réalisé l’interview, dément "fermement" ces propos.

"Je tiens à le dire très nettement : je n’ai jamais dénoncé l’enquête d’Envoyé Spécial. Ils ont fait leur boulot. Il y a une fausse rumeur, qui part de faux tweets. Si je suis choquée, c’est par cette fausse rumeur", dit-elle. A-t-elle appelé Penelope Fillon pour se dire "choquée", comme le dit l’ex-Premier ministre ? Non, elle "n’a pas son numéro de téléphone", répond-elle à Libé. Elle lui aurait simplement envoyé un mail pour lui dire qu’elle était désolée des conséquences de cette interview, sans remettre en question le travail d’envoyé spécial. Ce qu’elle réitère sur Twitter :

Sur les missions de Penelope Fillon

Selon François Fillon, son épouse Penelope assumait en tant que collaboratrice des "tâches simples mais essentielles". Il a détaillé des missions comme la tenue de son agenda, la gestion de son courrier ou la représentation du député à des événements locaux.

Pourtant, comme on peut le lire dans la biographie de François Fillon écrite par Christine Kelly, le candidat a dans son "premier cercle" une "secrétaire particulière et conseillère", Sylvie Fourmont, chargée notamment de "gérer son agenda" et de "régler chaque détail de ses rendez-vous"…

Et en bonus : un timing bien choisi

"Collaborer avec sa famille en politique c’est une pratique désormais rejetée par les Français. Ce qui était acceptable hier ne l’est plus aujourd’hui", a déclaré François Fillon.

Le candidat a expliqué en avoir "tiré les conclusions" en cessant de faire travailler des membres de sa famille il y a trois ans. Il oublie de préciser que c’est à cette date que remonte la promulgation de la loi pour la transparence de la vie publique… à laquelle il était lui-même opposé. Le vote de cette loi a-t-elle fait perdre sa rémunération d’attachée parlementaire à Penelope ?

M. B., A. R. et L. T.
L’OBS

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